Paris : la journaliste Tunisienne, Sonia Mabrouk parle dans son roman de ces lionceaux du Califat programmés pour se venger !

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La-Femme (ces lionceaux du Califat programmés pour se venger !) – Biberonnés à la violence, nourris de haine, programmés pour tuer et se faire exploser en martyrs, les enfants des djihadistes sont-ils capables de bannir la vengeance de leur cœur ? La rupture avec le takfirisme est-elle possible ? La déradicalisation peut-elle réussir ? Que faire des enfants de djihadistes ? Qui doit les prendre en charge ? Sont-ils récupérables? Autant de questions brûlantes qui taraudent Etats et sociétés de par le monde et constituent la thématique d’un roman captivant de Sonia Mabrouk. Sous le titre de Dans son cœur sommeille la vengeance, écrit en Roman des lionceaux du Califat, cette brillante journaliste tunisienne établie à Paris où elle officie dans de grands médias (Europe 1…) traite avec talent toutes ces problématiques, dans un style romancé qui tient le lecteur en haleine.

Sonia Mabrouk demeure toujours au carrefour de ses trois mondes: la Tunisie dans sa pluralité depuis Carthage, la France (c’est-à-dire l’Europe, l’Occident) et le monde arabe, cet Orient compliqué qui s’embrase et embrase. Déjà dans son premier roman, Le monde ne tourne pas rond, ma petite-fille (Flammarion, 2017), elle nous en donnait un avant-goût à travers ces échanges entre une jeune fille tunisienne partie en France et sa grand-mère, restée à Tunis. Tout y passe : l’angoisse d’une prise de pouvoir par les islamistes, la radicalisation de la jeunesse, la déferlante de la violence, l’étouffement des droits de la femme et des libertés, l’avortement du processus démocratique par une contre-révolution…

Ce n’était qu’un début : le décor est planté. L’exercice se poursuit, le questionnement s’élargit à la grande problématique du djihadisme. Pour aborder un sujet aussi grave et enchevêtré, Sonia Mabrouk est bien armée. Sa double culture arabe et française lui procure une sensibilité toute particulière l’autorisant à comprendre et croiser les lectures du phénomène. Sa maîtrise du journalisme, de l’enquête sur le terrain et du récit, qui se trouve désormais doublé d’un talent littéraire d’une romancière qui se confirme. La combinaison est si poussée qu’il est difficile de détecter, au fil des 270 pages du roman, qui l’emporte le plus : la journaliste ou la romancière, l’Arabe d’origine ou la Française adoubée ? L’osmose est totale dans une communion de pensée et d’écriture.

D’emblée, Sonia Mabrouk proclame le genre. Ça ne sera pas un essai, ou un long reportage, mais un roman. Le choix du roman, bien que nourri des autres genres, lui offre l’avantage de bien installer les décors, de construire l’intrigue, de faire introduire un à un les acteurs, de restituer les ambiances. Tout l’art de retenir le lecteur, de le faire voyager dans des univers différents, de l’installer au cœur d’un récit palpitant à mille et une surprises.

Ces enfants de djihadistes

L’angle d’attaque choisi est capable de porter le roman de bout en bout. Lena Durieux est une journaliste qui a baroudé sur différents champs de bataille en Afrique subsaharienne, en Arabie (Yémen), au Moyen-Orient (Irak…), au Maghreb (Libye). Pour différents journaux, elle avait couvert tant de guerres, d’attentats, d’atrocités et frôlé la mort de très près. Lâchée par son rédacteur en chef sous prétexte de coupures budgétaires, livrée au doute sur son métier et son talent, elle se retrouve à la recherche d’un nouvel élan. Son compagnon, éminent conservateur de musée, finira par rejoindre le gouvernement.

Le contraste entre les deux personnages, si bien raconté, pèse lourdement sur l’harmonie du couple. 

Dans ce contexte où tout bat de l’aile pour Lena, un projet de film télévisé lui est proposé. Le thème est excitant: le récit d’une jeune femme djihadiste française, Amra, rentrée de Syrie, après avoir perdu son mari et servi comme esclave sexuelle… Condamnée à 3 ans de prison, elle y suivra un programme de déradicalisation. A sa remise en liberté, elle se cherche. Son talon d’Achille, c’est son enfant, Zaïm, resté chez Daech, à Raqqa. Censée l’amadouer pour lui faire accepter de tourner le film-témoignage sur son parcours, la journaliste Lena se trouvera en confrontation directe avec Amra. Discours contre discours, la vérité se dit en face. Cruelle ! Edifiante. Puis, rebondit le sort de Zaïm: comment l’en sortir.

Bien romancé, le roman se dévore rapudement, tous les ingrédients y dont…

Là on plonge à fond dans le roman. Tous les ingrédients sont bien réunis : politique au plus haut sommet de l’Etat, services français, transit par les frontières turques, passage clandestin en Syrie, infiltration jusqu’aux camps de Raqqa, attentats à Paris… Sonia Mabrouk ne lâche plus le récit, truffé de surprises mais surtout de questionnements, d’incertitudes, d’interpellations. Le face-à-face entre Lena et le « commanditaire de son film » (qui s’avère en fait investi d’une autre mission), sur la question du présumé repentir des djihadiste est un grand moment d’interrogation.

Quel degré de confiance peut-on faire à des « anciens » djihadistes? A leur déradicalisation? A leur réinsertion? Faut-il croire à leur « repentir ». Ont-ils droit à une nouvelle chance ? La réponse vient dans les dernières lignes de l’épilogue, de la bouche même de Lena Durieux. «Au fond d’elle, une interrogation sourde la tenaille. Qu’elle n’ose formuler à haute voix. Et si elle avait eu tort ? Et si la seconde chance n’était qu’un leurre ? Et si dans le cœur de Zaïm sommeillait la vengeance ?»

Fin d’un roman qui se lit comme un film.*

Source : Leaders

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