Diplomatiquement parlant, BCE décortique la scène politique et annonce la fin de vie du gouvernement Chahed (+Vidéo)

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Tunisie-Tribune (BCE décortique la scène politique) – Le grand oral du président de la République, Béji Caïd Essebsi, de ce dimanche 15 juillet 2018 n’est pas passé inaperçu à bien des égards. D’abord par les chaînes l’ayant diffusé, en excluant la chaîne nationale. Ensuite par le contenu des réponses du Chef de l’État et, surtout, par les questions des journalistes, qui allaient tous dans le même sens et tournaient toutes autour du chef du gouvernement Youssef Chahed.

Au sujet de Lotfi Braham, Youssef Chahed doit assumer

Pendant 45 minutes, le président de la République est revenu sur la crise économique, mais essentiellement sur la crise politique qui secoue la scène nationale depuis de longues semaines. « La situation est difficile et tout le monde est d’accord pour dire que l’on ne peut plus continuer de la sorte ». C’est ainsi  qu’il commencé son grand oral.
Une pluie de questions a commencé à pleuvoir, qui ont visiblement été conçues pour tacler Youssef Chahed et son gouvernement. « Le drame de Kerkennah m’a fait si mal, au même titre que l’attentat terroriste de Jendouba. Pour ce dernier cas, certains ont dit que les récents limogeages et nominations au sein du ministère de l’Intérieur en sont la cause. Je pense que ce n’est pas le cas pour ma part », a déclaré Béji Caïd Essebsi.

Les journalistes sont revenus à la charge, en abordant la controverse suscitée par le limogeage de l’ancien ministre de l’Intérieur, Lotfi Braham, par Youssef Chahed. « C’est une décision qui relève du ressort du Chef du gouvernement. Il m’en a informée. Je lui ai demandé s’il était possible de reporter le limogeage, mais il a insisté, donc qu’il assume ! », a-t-il lâché.

Visiblement insatisfaits de la réponse du Chef de l’État, les deux interviewer ont à nouveau abordé la controverse autour du départ de Lotfi Braham, qui pourrait s’expliquer par les soupçons de tentative de coup d’État. « C’est discutable », a répondu le président concernant ces soupçons, affirmant que l’État est au courant des déplacements de l’ancien ministre. Ces éléments sont révélateurs, selon Béji Caïd Essebsi, de l’instabilité de la conjoncture actuelle.
« Il existe un déficit de l’État. Il est clair que c’est à cause du régime politique actuel. Pour ma part, j’agis dans le cadre des prérogatives qui m’ont été accordées par la Constitution, même si paradoxalement, on m’a accusé d’enfreindre cette même Constitution », a-t-il dit, ajoutant que personne ne lui avait forcé la main pour accorder cette interview.

« Procurer un soutien politique au gouvernement »

« Pourquoi avoir choisi de vous exprimer aujourd’hui ? ». Béji Caïd Essebsi, réagissant à cette question, a voulu se montrer clair : « Nous devons travailler sur des solutions. Le Pacte de Carthage 2 était une solution que nous avons proposée à ceux qui veulent sortir le pays de l’impasse. Il y a unanimité sur tous les points, exception faite au sujet de celui qui va mener la prochaine étape », a-t-il dit.

La situation est difficile, poursuit encore le Chef de l’État pour répondre à une énième question sur le « bilan négatif » du gouvernement Chahed. Il reconnaît, néanmoins, que le pays profite actuellement d’un soutien international inédit. Or, certains refusent de travailler et refusent la discipline. Il suffit d’observer, selon lui, ce qui s’était passé dans la Compagnie des Phosphates Gafsa (CGP).

Dans ce même contexte, Béji Caïd Essebsi reconnaît que le gouvernement ne dispose pas de baguette magique, même s’il assume une part de responsabilité de cette situation. « J’ai essayé de procurer au gouvernement un soutien politique conséquent en rassemblant toutes les parties du pays. Aujourd’hui, certains veulent son départ, mais pas Ennahdha qui s’accroche à la stabilité du pays », a-t-il souligné.

« Ne plus penser à 2019, à moins de pouvoir apporter quelque chose »


« Ennahdha est-il le seul soutien politique du gouvernement Chahed ? ». Le Chef de l’État, en bon orateur et communicateur politique, a préféré répondre que la situation est difficile et que le gouvernement a des problèmes, notamment avec Nidaa Tounes qui, selon lui, subit des « agissements pas très innocents »« Et vous savez ce que je veux dire », a-t-il dit à l’adresse des journalistes.
Le Chef de l’État considère que tout le monde doit contribuer à la réussite du pays, Ennahdha compris. Un consensus ne saurait être élaboré dans un climat de division et de fissures. On ne doit plus penser, selon le président, à 2019, surtout lorsque l’on est au pouvoir. C’est probablement une nouvelle pique adressée au Chef du gouvernement Youssef Chahed. « Quels apports apporteront ceux qui se projettent déjà en 2019 ? », s’est-il demandé.
La situation actuelle doit être dépassée selon Béji Caïd Essebsi et on ne peut, selon lui, exclure les organisations nationales à l’instar de l’UGTT et de l’UTICA. « Avez vous un conseil à donner à Ennahdha ? ». Ici, le Chef de l’État s’est montré complaisant avec l’adversaire politique de son parti. Ennahdha, selon lui, a un président expérimenté qui, depuis notre réunion à Paris, a œuvré pour préserver l’intérêt du pays en intégrant Ennahdha dans le dialogue national du Quartet. « Rached Ghannouchi a tenu ses promesses », a-t-il renchéri.

« En cas d’impasse, le Chef du gouvernement doit démissionner ou se présenter devant l’ARP »

Le Chef de l’État, par ailleurs, été invité par ses interlocuteurs à s’adresser aux nidaïstes. « Je ne suis pas nidaïstes, depuis que je suis président, je m’adresse à tout le monde. Nous avons besoin de tout le monde. Le contexte est difficile. Ceux qui veulent devenir des présidents, je leur rappelle qu’il n’y a qu’un seul président en ce moment. Nous devons travailler dans le cadre du Pacte de Carthage 2 que ce soit avec ce gouvernement ou un autre », a-t-il expliqué.

Revenant sur sa candidature en 2019, le président a rappelé qu’il a le droit, constitutionnellement, de se présenter. « Lorsque les candidatures seront ouvertes, on saura si je vais être candidat ou non, mais pour l’heure, les tunisiens ont d’autres chats à fouetter », a-t-il répondu.

Le Chef de l’État est allé plus en profondeur, poussé par les questions bien orchestrées des journalistes, dans ses allusions et ses piques à Youssef Chahed. « La situation ne peut plus continuer ainsi car nous allons de mal en pis. On ne peut pas répondre aux attentes des citoyens sans un gouvernement soutenu par les partis politiques. Ce soutien politique doit être rétabli. Si le blocage persiste, le Chef du gouvernement doit démissionner ou solliciter la confiance de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP). », a-t-il lancé.

Le Chef de l’État a assuré qu’il n’est pas au Palais de Carthage pour occuper son siège, mais plutôt pour servir les tunisiens. « Je vais faire en sorte de rétablir la situation, notamment au sein de Nidaa Tounes. Certaines personnes [dans le parti] doivent lever leur main sur Nidaa. Elles se reconnaîtront ! Je continuerai mon travail, jusqu’à ce que ma vie prenne fin. Si Dieu me donne la santé et la vie, je continuerai encore », a encore lâché le Chef de l’État, s’adressant certainement à un nidaïste d’envergure sans le nommer.

Dans son interview, le Chef de l’État a aussi été interpellé sur les libertés individuelles, de la presse et des dangers qui les guettent. Les menaces existent selon lui et c’est inacceptable. « Nous devons préserver la liberté de la presse, même si les limites sont parfois dépassées. Il ne faut pas oublier que nous sommes en une période transitoire », a-t-il déclaré.

Sur le licenciement de certains journalistes en raison de leurs écrits, le président de la République a exprimé son étonnement. « Je ne sais pas si le Chef du gouvernement est au courant de cette situation, mais vous pourrez compter sur moi pour résoudre cette problématique », a-t-il assuré, sans doute pour pointer une nouvelle pique à l’adresse du Chef du gouvernement.

Quant aux promesses formulées par son parti politique en 2014, Béji Caïd Essebsi assure qu’un état des lieux sur ce qui a été accompli ou non sera présenté prochainement. « Nous espérons pouvoir réaliser ce que nous n’avons pas pu accomplir jusqu’ici », a-t-il dit.

Des questions sans réponses

Pendant 45 minutes, en somme, Béji Caïd Essebsi, en habile orateur qu’il est, s’est livré à une série d’allusions très peu tendres à l’égard de celui qui est visiblement devenu son « ancien » protégé, Youssef Chahed. Les questions des journalistes étaient également pour quelque chose dans la tournure qu’a prise l’entretien.
Beaucoup de choses ont été dites à propos de cette interview avant même sa diffusion. Les questions cruciales relatives à l’économie n’ont pas été abordées. Certains diront que le président aurait surtout souhaité recadrer Youssef Chahed, ce qui est plausible.

De toute évidence, on s’attendait à autre chose, après des semaines d’absence. Le Chef de l’État a terminé son entretien en appelant les journalistes à ne pas trop « philosopher » sur son contenu, étant donné que la Tunisie doit sortir de la crise.

A la fin, les tunisiens sont restés sur leur faim et ni Mosaïque FM, représentée par son rédacteur en chef, ni El Hiwar Ettounsi ni même Al Watanya 1 n’ont diffusé cette interview.

Source : Réalités

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