Rached Ghannouchi sur Al-Wataniya TV : « l’action parlementaire ne réside pas à voir les députés se caresser dans le sens du poil »

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Tunisie-Tribune (Rached Ghannouchi sur Al-Wataniya TV) – Le président du Parlement et chef d’Ennahdha Rached Ghannouchi a accordé une interview spéciale, ce dimanche soir 8 novembre 2020, à la chaîne La Watania 1 pour revenir sur les priorités de l’action parlementaire ainsi que sur sa vision pour la période à venir.

Face au journaliste Chaker Ben Cheikh, il est aussi revenu sur la nature de ses relations avec le chef du gouvernement et le président de la République.

Dans un premier, Rached Ghannouchi est revenu sur la situation épidémique liée à la pandémie Covid-19, assurant que le Parlement a été contre l’ouverture des frontières – le 27 juin – mais il en a été autrement.

L’absence de vrais ressources nous permettant de tenir sur le plan économique

« L’assemblée des représentants du peuple (ARP) a toujours été en avance et a accordé une importance à la situation sanitaire. Aujourd’hui, la situation est grave et nous n’avons pas encore atteint le pic épidémique. Cela dit, je reste persuadé que le peuple sera capable de surmonter la crise. Aujourd’hui, nous ne sommes pas en mesure de fermer les frontières. La Tunisie ne possède pas les ressources naturelles nécessaires lui permettant de tenir sur le plan économique ».

Le budget de l’assemblée va être réduit

Rached Ghannouchi a affirmé qu’il est satisfait du rendement du Parlement durant la session précédente, et ce malgré le manque de moyens. « L’assemblée possède un budget très restreint et n’a pas failli à ses devoirs. Cette année, le budget de l’assemblée va être réduit de deux points à cause de la crise sanitaire »Il a ajouté que les chiffres montrent que le rendement parlementaire s’est beaucoup amélioré par rapport à la même période de la session précédente.

L’action parlementaire ne réside pas à voir les députés se caresser dans le sens du poil

Le président du Parlement est, toutefois, revenu sur la perception générale selon laquelle il y a une dégradation de l’action parlementaire. « Il est vrai que c’est la perception qui prévaut, mais c’est la nature même de l’action parlementaire. Les gens ne sont pas là pour se caresser dans le sens du poil. C’est partout pareil dans le monde. Des fois, on assiste à l’intervention policière pour résoudre les conflits entre les députés. Heureusement, ce n’est pas le cas chez nous. Il ne faut pas oublier que nous sommes l’unique institution qui est constamment placée sous les caméras. Je pense qu’il y a des exagérations parfois. Aussi, il ne faut pas oublier que plusieurs politiques sont représentées au Parlement et les divergences sont naturelles. Cela ne justifie pas les violences et nous défendons tous les députés victimes de violence, peu importe leur appartenance ».

Il est impératif que la cour constitutionnelle et la réforme du Code électoral voient le jour

Rached Ghannouchi a abordé les priorités du Parlement, assurant que la première priorité reste l’intérêt national en rapport avec le contexte épidémique. « Il ne faut pas oublier l’installation de la cour constitutionnelle et la réforme du Code électoral. Nous voulons aussi mettre en place des législations permettant aux jeunes d’être propriétaires de leurs terres. L’Etat possède beaucoup de terres domaniales, nous pouvons les donner aux jeunes et leur faciliter les procédures pour investir », indique-t-il en citant l’exemple de la Malaisie dans ce contexte.

L’amendement du décret-loi 116…

Interrogé sur la proposition de l’amendement du décret-loi 116, il a affirmé que la proposition du bloc Al Karama était une proposition comme toute autre initiative législative qui a pris son cours normalement, soulignant qu’il n’a jamais demandé au chef du gouvernement de retirer le projet de loi organisant le secteur médiatique pour laisser la priorité à l’initiative d’Al Karama.

Rappelons que le consensus et de la cohabitation ont fait l’exception tunisienne

Par ailleurs, le président du Parlement a mis l’accent sur l’importance du consensus et de la cohabitation, assurant que c’est bien cette démarche qui a favorisé l’exception tunisienne et qui a été la base de la réussite de sa transition démocratique. Dans ce contexte, il a affirmé sa volonté d’assoir une réconciliation globale, qui va au-delà de la réconciliation financière proposée par le président de la République. Dans ce sens, il a affirmé que la désignation de Mohamed Ghariani – ex-secrétaire général du RCD – en tant que conseiller chargé de ce dossier est symbolique et témoigne de cette volonté.

Les finances publiques sont dans un état lamentable,. l’ouverture de la vanne d’El Kamour, une bouffée d’air…

Revenant sur la situation économique, Rached Ghannouchi a assuré qu’il est nécessaire de faire primer l’intérêt du pays, ajoutant que la banque centrale se doit d’aider l’Etat dans cette situation. « Les finances publiques sont dans un état lamentable. Il y a un déséquilibre financier. Il y a une augmentation des salaires sans qu’il n’y ait de production en contrepartie. Quand on apprend l’ouverture de la vanne d’El Kamour, on est content. Toute région doit profiter de ses richesses dans un premier temps ».

Ghannouchi, Kais Saied et Mechichi …des relations cordiales !

Rached Ghannouchi a indiqué qu’il entretient de bonnes relations avec le chef du gouvernement Hichem Mechichi. « Nous avons des relations cordiales basées sur la concertation et la compréhension. C’est aussi la même chose avec le président de la République. Je le rencontre en moyenne une fois par mois. Nos rencontres sont apaisées et fructueuses ».

« …J’ai de l’électricité chez moi et je n’ai pas de chambres noires »

Interrogé à propos des allusions du chef de l’Etat concernant des complots ourdis dans les chambres noires, il a indiqué : « Je ne me sens pas visé par ces propos. Pourquoi vais-je me positionner en tant que suspect ? Je n’ai rien à cacher et je n’ai pas de secret. J’ai de l’électricité chez moi et je n’ai pas de chambres noires. Tous ceux qui viennent chez moi passent devant les gardes et je n’ai rien à me reprocher ».

Nous n’arrivons pas à exporter nos récoltes d’huile d’olive et de dattes

Quant à ses actions dans le cadre de la diplomatie parlementaire, il a assuré : « Nous devons agir sur le plan diplomatique. Nous avons des défaillances et des manquements à ce niveau. Nous n’arrivons pas à exporter nos récoltes d’huile d’olive et de dattes parce que nous n’avons pas ouvert le passage frontalier. Le Covid n’est pas l’unique cause de fermeture, c’est aussi une question de volonté politique ».

L’importance du rôle de la Tunisie dans la gestion de cette crise libyenne

Le président du Parlement, a abordé le prochain dialogue à propos de la Libye, mettant l’accent sur l’importance du rôle de la Tunisie dans la gestion de cette crise, et soulignant que la résolution de la crise en Libye aura un impact direct sur notre pays.

Il y a toujours eu des différences de points de vue, à la différence qu’aujourd’hui, c’est la médiatisation qui exacerbe les conflits

Enfin, revenant sur le conflit interne au sein du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi a assuré que le conflit est tout à fait ordinaire. « Il y a toujours eu des différences de points de vue, notamment, au niveau des choix stratégiques. Cela a commencé du choix du consensus établi lors de la rencontre de Paris avec Feu Béji Caïd Essebsi et se poursuit avec le choix des alliances actuelles. Certains privilégient Attayar et Echaâb et d’autres Al Karama et Qalb Tounes. La différence aujourd’hui, c’est la médiatisation du conflit. Chose qui me chagrine. Nos conflits internes doivent être résolus au niveau des institutions d’Ennahdha et non dans les médias », assure-t-il, précisant, toutefois, qu’il ne s’est porté candidat ni pour la présidence d’Ennahdha, ni pour la présidence de la République, dont la date est encore très loin.

Il est impératif d’aérer les mentalités en libérant la créativité

Au final Rached Ghannouchi a indiqué que la Tunisie va vaincre l’épidémie du coronavirus comme ce fût le cas pour la plupart des épidémies et ce en respectant les protocoles sanitaires mis en place. D’autre part, il a mis l’accent sur l’importance de la reprise de la production, « comme on a ouvert la vanne d’El Kamour, il faut ouvrir toutes les vannes, notamment, celles des têtes et des mentalités en laissant place à l’intelligence et en libérant la créativité des Tunisiens ».
 
Source : Sarra Hlaoui / BN

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