- Au nonagénaire bourguibien, verra-t-on succéder ce septuagénaire islamiste ?
- Et de quel islamisme se réclame-t-il ?
Tunisie et islamisme
Abdelfattah Mourou, fils d’une couturière et d’un cafetier, est né dans un quartier populaire de la capitale. Il a effectivement fondé le parti islamiste dans les années 1970, « avant Ghannouchi qui m’a rejoint par la suite » nous disait-il. Emprisonné sous Bourguiba, il avait condamné la violence choisie en 1991 par les islamistes.
Si le décor dans lequel vit un homme le raconte un peu, alors celui de la villa de Mourou décrit une Tunisie élégante, étonnante, traversée par toutes les influences orientalistes et européennes. Cela tient à la fois, écrivions-nous, « d’un magasin d’antiquités et d’un rêve de Pierre Loti. Des dizaines de théières s’entassent sur des guéridons qui côtoient des vitrines surchargées de verroteries turques scintillantes. D’énormes coffres cloutés s’entr’ouvrent sur des amoncellements de manuscrits. Des violons, des flûtes, des photos par dizaines de… Habib Bourguiba, son ancien geôlier ! Des divans Art déco, des tableaux de peintres tunisiens et orientalistes… ».
Stratégie Électorale
Abdelfattah Mourou avait été menacé de mort par des salafistes. Les prédicateurs saoudiens qui venaient voiler les petites filles tunisiennes étaient sa bête noire. Il fustigeait les dérives de son parti, l’enjoignait de « quitter le pouvoir et d’entrer dans l’opposition pour 20 ans ! » et rappelait : « nous sommes le produit de 25 civilisations, l’Islam sans développement civilisationnel et sans croissance, ce n’est pas l’Islam ! »
Depuis plusieurs années, Ennahda prétend avoir changé, ce qui ne s’est pas vu un seul instant au moment où étaient annoncées les propositions de loi de la Commission sur les libertés et les droits individuels. Il est clair pourtant qu’une bataille a lieu au sein du parti entre les partisans de l’islamisme « frériste », celui des Frères musulmans,et les supporters d’un virage tunisien. Dans les sondages, Ennahda est bien placé et une femme de son bureau politique siège dans le fauteuil de maire de Tunis.
- Le choix d’Abdelfattah Mourou, ce stratège fascinant, est donc très habile.
Par Martine Gozlan / Marianne