Le coronavirus va-t-il bloquer l’industrie automobile mondiale ?

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  • Des usines coréennes, italiennes et anglaises suspendent leur production en prévision de difficultés d’approvisionnement de composants venus de Chiné

Tunisie-Tribune (industrie automobile) –Jamais la dépendance de l’industrie automobile mondiale à ses sous-traitants chinois n’était apparue aussi évidente. Renault a annoncé, vendredi, la suspension de la production de son usine sud-coréenne de Busan durant quatre jours ouvrables, en raison de pénurie de composants venus de Chine, confrontée à l’épidémie de coronavirus. Le constructeur français a indiqué que l’usine Renault Samsung Motors de Busan (Sud-Est) serait fermée à partir du 11 février « pour anticiper des problèmes d’approvisionnement », selon une porte-parole.

Renault ralentit

L’usine de Renault Samsung Motors à Busan (2 000 employés) est l’unique site de production du groupe en Corée du Sud. Quelque 216 000 véhicules en sortent par an. La reprise de la production est prévue, à ce stade, le lundi 17 février. « Renault a mis en place un dispositif d’anticipation, de suivi et de contrôle des risques d’approvisionnement pour ses usines dans le monde », a expliqué le constructeur.

Hyundai cale

Avant lui, le constructeur sud-coréen Hyundai avait déjà annoncé, mardi, suspendre toute la production de ses usines en Corée du Sud, après avoir vu se tarir son approvisionnement en composants de câblage électronique, principalement produits en Chine. En Corée du Sud, le plus grand centre de production automobile du monde est à l’arrêt : Hyundai y a cessé ses opérations, victime de l’épidémie du coronavirus qui paralyse les usines chinoises au risque de déstabiliser des chaînes de production à travers tout le globe. Hyundai peut produire 1,4 million de véhicules par an sur son complexe géant d’Ulsan, situé sur la côte pour faciliter les importations de pièces détachées et l’exportation de voitures.

25 000 employés au chômage technique
Mais ce ballet industriel s’est grippé lorsque l’épidémie de pneumonie virale a conduit la Chine à prolonger la fermeture de ses usines au-delà des congés du Nouvel An. Beaucoup ne rouvriront pas avant le 10 février. Résultat : Hyundai a vu se tarir son approvisionnement en composants de câblage électronique, principalement produits en Chine. Le cinquième constructeur mondial a annoncé mardi suspendre toute sa production dans ses usines en Corée du Sud, mettant au chômage technique quelque 25 000 employés.

450 millions d’euros de perte pour 5 jours d’arrêt

« Quelle honte de ne pas pouvoir travailler ! Il n’y a rien à faire quand on dépend à ce point d’un seul pays », se désole M. Park, un ouvrier d’Ulsan. C’est le premier exemple de grande ampleur de l’impact de l’épidémie sur l’industrie hors de Chine. Une interruption de production en Corée du Sud pendant cinq jours pourrait coûter à Hyundai l’équivalent de 450 millions d’euros, selon des estimations. Hyundai n’est pas seul concerné dans le pays : sa filiale Kia a suspendu l’activité de trois usines lundi, et la branche sud-coréenne du français Renault envisage d’arrêter la semaine prochaine son usine de Busan. « Les entreprises sud-coréennes dépendent cruellement de la Chine pour leurs pièces détachées. Problème : il suffit d’une pièce manquante pour ne plus rien pouvoir faire », observe Cheong In-kyo, économiste à l’université sud-coréenne d’Inha.

L’Europe aussi

Loin de l’Asie, des répercussions sont attendues également. L’italo-américain Fiat Chrysler pourrait stopper la production de l’une de ses usines européennes faute de composants venant de Chine, a déclaré son patron Mike Manley au Financial Times. « L’industrie manufacturière chinoise est cruciale pour les chaînes de production automobiles. Tout ralentissement ou interruption dans la fabrication d’un composant […] peut provoquer des engorgements et arrêts d’usines dans des pays comme la Corée, le Japon, l’Iran ou la Tanzanie », observent les analystes de Fitch Solutions. L’impact est particulièrement marqué en Asie, où la production est à flux extrêmement tendus.

L’Amérique du Nord bientôt impactée

Aux États-Unis, les répercussions seront retardées, mais il pourrait y avoir un impact indirect sur les pièces détachées venant d’autres pays et comportant des composants chinois, redoute Kristin Dziczek, du Centre de recherche sur l’automobile d’Ann Arbor. Constructeurs et équipementiers « réfléchissent à la manière de s’adapter. Mais il n’y a pas de capacités de production de la taille de celles de la Chine qui seraient inemployées quelque part pour combler les pénuries », observe-t-elle.

Diversifier les fournisseurs

Un précédent existe : l’industrie automobile mondiale avait souffert en 2011, après l’arrêt – à la suite de la catastrophe de Fukushima — de l’unique usine de Renesas Electronics, un groupe japonais dominant alors 50 % du marché planétaire des systèmes électroniques de contrôle des freins et moteurs. Depuis, les chaînes de production se sont davantage diversifiées. Néanmoins, « le risque est grand d’avoir un seul fournisseur dans un seul endroit pour une pièce donnée », souligne Ferdinand Dudenhoeffer, du centre de recherche automobile de l’université de Duisbourg-Essen. La norme est « d’avoir au moins deux fournisseurs », et les sous-traitants sont d’ordinaire dans la même région que les usines de production, ajoute-t-il.

La Chine, principal exportateur de biens du globe

Les perturbations devraient s’étendre au-delà de l’automobile, prédit M. Cheong. La Chine est le principal exportateur de biens du globe : les exportations cumulées de Chine continentale et Hongkong dépassaient l’an dernier 450 milliards de dollars vers les États-Unis, 150 milliards vers le Japon, et 110 milliards vers la Corée ou le Vietnam. « La Chine fait partie intégrante des chaînes manufacturières, elle pèse un cinquième de la production manufacturière mondiale », rappelle Mark Zandi, économiste de Moody’s Analytics. Taïwan et le Vietnam, puis la Malaisie et la Corée du Sud, seront notamment pénalisés. Et au-delà ? Selon l’institut allemand Ifo, les composants manufacturés chinois représentent 9,4 % des produits semi-finis importés par l’Allemagne.

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