Tunisie-Tribune (Faouzi Mehdi, sixième ministre de la Santé viré) – triste record et triste constat, publié par notre collègue Kais Ben Mrad, que nous reprenons ci-après dans son intégralité… Alors que la gestion de la plus grave crise sanitaire que le pays ait jamais connue nécessitait une stabilité en vue d’assurer une continuité au niveau de la prise de décision, un sixième ministre de la Santé a été viré ce mardi et le poste a été confié à un intérimaire.
Ainsi, la Tunisie battait le triste record du nombre de ministres de la Santé qui se sont succédé à la tête de ce département depuis l’apparition du COVID-19 en févier 2020, c’est-à-dire depuis un an et demi.
Le plus paradoxal c’est que le ministre limogé ce jour est parmi les partants du remaniement ministériel du 26 janvier 2021 resté lettre morte du fait du véto du président de la République Kaïs Saïed qui a refusé de recevoir les ministres pourtant investis par le Parlement pour prêter serment devant lui.
Pour mémoire, au moment de l’apparition du virus, c’était Sonia Ben Cheikh qui était à la tête du ministère de la Santé qu’elle cumulait avec celui de la Jeunesse et des Sports. C’est elle qui avait mené la planification des premières stratégies de prévention et la mise en place des centres d’isolement pour le traitement des premiers malades, ainsi que des centres de confinement des Tunisiens qui revenaient de l’étranger.
Au lieu de la laisser travailler et continuer à mener cette bataille puisqu’elle maitrisait le dossier, le chef du gouvernement fraichement intronisé à l’époque Elyes Fakhfakh l’a remplacée à la fin du mois de février 2020 par Abdellatif Mekki, uniquement pour des considérations politiques.
A partir du 28 février et jusqu’au 15 juillet 2020, c’est ce dernier qui a mené les opérations. Et bien qu’il ait globalement réussi dans sa tâche, Fakhfakh a pris la décision de le limoger subitement suite à un différend politique qui l’a opposé à Ennhadha, sans se soucier des répercussions que cela pouvait avoir sur la gestion de le crise sanitaire, des dysfonctionnements éventuels et des projets interrompus…
Mekki a été remplacé par Habib Kchaou, qui était à l’époque ministre des Affaires sociales. Ce dernier a assuré l’intérim à la tête du ministère de la Santé entre mi-juillet et fin août 2020, sans prendre de décisions importantes dans cette guerre contre le COVID-19.
Le 3 septembre, c’est un nouveau venu qui entre en scène dans le cadre du premier gouvernement de Hichem Mechichi. Il s’agit de Faouzi Mehdi qui a été choisi par le Palais de Carthage.
Très critiqué sur sa gestion de la crise particulièrement au niveau de la communication, ce dernier a été remplacé par le Professeur Hedi Khairi lors du remaniement annoncé le 16 janvier 2021 par Hichem Mechichi. Bien qu’investi par l’ARP qui accorde sa confiance à ce remaniement, Khairi ne mettra jamais les pieds au ministère de la Santé.
Faouzi Mehdi est même confirmé dans ses fonctions puisqu’il est maintenu en poste alors que ses collègues ont été remplacés par des intérimaires.
Limogé ce mardi 20 juillet, Faouzi Mehdi est remplacé par un intérimaire, le ministre des Affaires sociales Mohamed Trabelsi qui, gère déjà un ministère difficile.
Ce nombre record de ministres de la Santé en pleine pandémie prouve l’amateurisme et le manque de maîtrise au sommet de l’État. Comme la Santé est un domaine de sécurité nationale et que le pays est en guerre contre le virus, c’est le président Kais Saied qui aurait dû intervenir pour mettre un terme à cette gabegie à la tête de ce département, car il ne peut y avoir d’efficacité dans la gestion d’une telle crise sans stabilité.
Cette instabilité ministérielle est en effet devenue un mal grave. Non seulement elle paralyse l’exécutif et le législatif, mais elle transfère la réalité de leur pouvoir à l’administration, qui malheureusement ne veut plus s’impliquer dans la prise de décision. D’ailleurs, vu l’instabilité politique dans laquelle nous vivons depuis la révolution, le régime sous lequel nous vivons n’est bientôt plus celui de la démocratie, il devient celui de la bureaucratie ; et souvent une bureaucratie collégiale, plus irresponsable que l’autre.
C’est pour cela qu’il est plus que jamais urgent de mettre un terme à ce cirque de l’instabilité politique en général et l’instabilité à la tête du ministère de la Santé car nous sommes en pleine guerre et une guerre ne peut se gagner avec des généraux qu’on change à longueur de l’année.
Source : Kais Ben Mrad / Espace Manager