De retour au pouvoir, le Premier ministre soudanais est devenu l' »otage des militaires »

0

Tunisie Tribune (Premier ministre soudanais) – Le Premier ministre soudanais Abdallah Hamdok, déchu lors d’un coup d’État militaire le 25 octobre, a été rétabli dimanche dans ses fonctions par la même junte militaire qui l’avait écarté un mois plus tôt. Un retour au pouvoir qui place à nouveau le Soudan dans l’incertitude et suscite la colère de la rue. Une nouvelle manifestation est prévue jeudi à Khartoum.  

Derrière les masques anti-Covid, on devine les sourires des généraux Abdel Fattah al-Bourhane et Mohammed Hamdan, paraphant l’accord des 14 points prévoyant notamment le rétablissement du Premier ministre Abdallah Hamdok dans ses fonctions, dimanche 21 novembre, à Khartoum. Les deux instigateurs du coup d’État ont en effet réalisé un coup de maître. En actant le retour du Premier ministre qu’ils avaient eux-mêmes chassé le 25 octobre et en libérant des prisonniers politiques, ils sont sortis de l’impasse dans laquelle ils s’étaient mis et se sont assurés de diriger le pays en sous-main.

« Il faut bien dire que les militaires n’avaient pas forcément pensé aux conséquences et aux suites qu’ils allaient donner à leur putsch. Ils ne savaient plus quoi faire. Pour eux, c’est une très bonne issue », assure à France 24 Roland Marchal, chercheur au Centre d’études internationales de Sciences Po, spécialiste de la Corne de l’Afrique. Ce partenariat entre civils et militaires permet aussi et surtout au Soudan d’entrevoir le retour du soutien de la communauté internationale, qui avait fermement condamné le putsch.

Pendant la signature de l’accord dans la salle du palais présidentiel de Khartoum, alors que l’ancien Premier ministre apparaît en public pour la première fois après un mois de résidence surveillée, son sourire semble, lui, plus crispé. Il s’est même brièvement évanoui au moment de serrer les mains de ses nouveaux partenaires. Il faut dire qu’Abdallah Hamdok est désormais perçu par la majorité des Soudanais comme un traître de la « révolution » de 2019 qui a pactisé avec le diable. Mais a-t-il eu vraiment le choix de refuser, lui qui était assigné en résidence ? Une chose est sure, celui qui conduisait la transition du pays pour arriver à des élections démocratiques à l’échéance 2023, « dispose maintenant d’une marche de manœuvre très limitée car il n’a plus les mains libres pour poursuivre la transition démocratique », abonde le chercheur français. « Il apparaît aux yeux de tous comme un otage des militaires. »

La pression de la rue 

Pour sa défense, Abdallah Hamdok plaide l’apaisement du pays. Dans une courte allocution suivant la signature de l’accord, l’intéressé a justifié son retour par le but de « faire cesser avant toute chose l’effusion de sang au Soudan » et maintenir l’économie du pays à flot afin de reprendre des négociations avec les institutions financières internationales. « Cet accord ouvre la porte en grand à la résolution de tous les défis de la transition », a-t-il précisé. Mais ce retour est bien loin d’apaiser les esprits. Douze ministres sur 17 issus du bloc réclamant un pouvoir uniquement civil ont ainsi démissionné lundi, rejetant la stratégie de dialogue avec l’armée adoptée par Abdallah Hamdok. Et la rue, qui réclamait il y a quelques jours encore sa libération, brûle à présent son portrait. Les milliers de manifestants pro-civil ont appelé au rassemblement jeudi dans les rues de Khartoum pour maintenir la pression sur les nouvelles autorités militaro-civiles. Sur les réseaux sociaux, les militants veulent faire de ce jeudi une « journée des martyrs », en souvenir des manifestations sévèrement réprimées qui ont fait 41 morts et des centaines de blessés depuis le 25 octobre.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici