Tests rapides : Une forte demande, mais l’offre est insuffisante, et les pharmacies mal équipées

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Tunisie-Tribune (Tests rapides) – L’aggravation de la situation sanitaire en Tunisie,  et la prolifération rapide du virus enregistrée en ce mois de juin, a augmenté l’affluence sur les tests rapides qui se vendent désormais en pharmacies depuis jeudi 10 juin 2021.

C’est ce que nous a confirmé Salah Kaddachi, pharmacien d’officine, et propriétaire d’une pharmacie à Djebel Oust, au gouvernorat de Zaghouan, classé parmi les zones à forte circulation du virus, ou l’incidence du Coronavirus est de 415,2 cas sur 100 mille habitants, au cours des quatorze derniers jours.

Dans ces régions présentant le plus de cas positifs dans le pays, le dépistage avec des PCR rapides aidera-t-il efficacement à repérer les personnes contaminées ? S’agit-il d’un circuit de dépistage classique ? Les stocks de PCR en pharmacies, sont-ils suffisants pour couvrir les besoins de la population dans les différentes régions, où  la situation sanitaire est extrêmement dangereuse… ?

Des pharmaciens d’officine, nous répondent à ces questionnements.

D’après Dr. Salah Kaddachi, la quantité des PCR rapides en pharmacie demeure très faible, par rapport à la demande enregistrée en ce mois de juin.

 « Je reçois 20 tests par jour, qui sont tous liquidés en 24h. Il s’agit d’un très faible nombre pour une région où  le nombre des cas positifs est important », ajoute-t-il.

En expliquant la réalisation des tests rapides, ce pharmacien nous a précisé que les tests ne sont pas effectués souvent en pharmacie comme le stipule l’arrêté du ministère de la santé, portant sur l’autorisation de l’utilisation des tests rapides antigéniques SARS-CoV-2 par les professionnels de la santé.

« A moins que l’officine dispose des moyens de protection de l’équipe médicale, comme la sur blouse, les lunettes de sécurité, la zone dédiée au dépistage et le matériel de stérilisation, les masques FFP2, le gel, dont les charges ne sont pas incluses dans le prix de vente du PCR. Il s’agit donc d’un acte médical à risque pour les pharmacies, dont les charges ne sont pas comprises dans le prix de vente des tests (20 dt), précise-t-il.

Les tests sont donc vendus sur ordonnance pour être réalisés par les médecins traitants hospitaliers ou de libre pratique, ainsi que par les biologistes des laboratoires, et cela pour garantir que le prélèvement nasopharyngé soit réalisé par un professionnel de la santé, sinon le résultat risque de ne pas être fiable, nous indique Dr.Kaddachi.

« Ainsi le médecin pourrait déclarer directement les cas positifs  dans une plateforme de déclaration liée au ministère de la santé », précise-t-il.

Un autre pharmacien d’officine, Dr.Yassine Kaddachi, propriétaire d’une pharmacie de nuit à Rouhia, Siliana, un gouvernorat qui témoigne d’un taux de contamination élevé, nous a révélé que la population dans cette région est dans  l’inconscience générale quant à la gravité de crise sanitaire.

D’après lui,  les ordonnances types des malades Covid-19 sont les plus présentées aux préparateurs d’officine.

 » Quant aux tests rapides, je n’en dispose que 10 pour ce mardi 23 juin, et ils seront bientôt liquidés en fin de journée », dévoile-t-il, en soulignant que 80% des résultats de ces PCR s’avèrent au final positifs.

En évoquant les causes ayant mené à cet état sanitaire critique à Rouhia, ce pharmacien nous a indiqué que certains ne croient même pas à l’existence du virus, jusqu’au moment où l’un de leurs proches soit contaminé.

« D’autres, débarquent à la pharmacie, sans masque, tout en ayant les symptômes mais croyant qu’il s’agit d’une simple grippe. Ils demandent alors une injection de corticoïde pour apaiser les douleurs ou encore ils optent pour une automédication par des antihistaminiques, en pensant qu’il s’agit d’une grippe passagère ou d’un rhume, mais rien de grave », nous a confié Wael, infirmier préparateur dans la même pharmacie  de nuit à Rouhia. « Nous avons désormais interdit ce genre d’actes médical, afin de contourner le risque de contamination de l’équipe et pour ne pas céder aux automédication, souvent contre indiquées ».

D’après lui, la méconnaissance des effets du virus et de ses conséquences sont derrière sa propagation rapide. « Les habitants de cette région, ont du mal à croire aux consignes du gouvernement, du ministère de la santé, ainsi qu’aux cris alarmistes des médias. Il s’agit d’une réelle crise de confiance qui a abouti à ces résultats déplorables ».

Cela revient aussi au refus du corps médical dans les hôpitaux  d’accueillir les malades asymptomatiques, ajoute-t-il.

« A l’hôpital régional de Siliana, les circuits Covid-19 sont saturés par les cas les plus graves. Par conséquent, les médecins n’acceptent plus les personnes ayant de légers symptômes. Ils les  redirigent vers les officines pour se faire tester rapidement. Une recommandation rarement appliquée par les citoyens, qui préfèrent s’auto-soigner par des médicaments souvent contre-indiqués comme les antiinflammatoires. Cet évitement de la surcharge dans les hôpitaux adopté par le les médecins hospitaliers a créé un manque de confiance entre les patients et  le corps médical, pourtant, quel que soit la situation, chaque citoyen a le droit à une consultation», analyse-t-il.

« Vu cette anarchie qui commence à s’installer à cause de la saturation des hôpitaux, et vu aussi que nous n’avons pas les moyens de nous protéger durant l’acte médical dans les officines, nous refusons toute forme d’injection, ou de dépistage nasopharyngé qui représentent un danger imminent pour toute l’équipe médicale en pharmacie. D’ailleurs, c’est le cas de la plupart des pharmacies qui ne font que vendre les tests rapides pour qu’ils soient plus tard utilisés par les médecins traitants et biologistes, étant mieux équipés et disposant d’un espace aéré, et stérilisé adéquat dans leurs cabinets pour accueillir les patients».

« Echec des stratégies de prévention, de dépistage et d’isolement »

Dans un entretien accordé à Gnetnews, le vice-président du syndicat des propriétaires des pharmacies privées, Naoufel Amira, a confirmé aussi que les quantités des tests rapides fournies aux pharmacies demeurent insuffisantes par rapport à la forte demande notifiée, notamment dans les régions les plus touchées par le virus.

Le syndicaliste a aussi appelé le ministère de la santé à fournir aux officines les moyens nécessaires pour effectuer les tests en pharmacie, afin de mieux endiguer la pandémie en repérant efficacement les cas positifs. Ceci impose aussi une augmentation du cout du test pour pouvoir couvrir les charges.

  « Un test rapide exige des lunettes de sécurité dont la pièce coute 1.500 dt, un masque FFP2 à 4 dt, une sur-blouse, gel, en plus du matériel de stérilisation de l’espace de dépistage. Des équipements qui sont nécessaires pour la sécurité de tous, qui n’ont pas été pensés par le ministère de la Santé », rappelle-t-il.

Naoufel Amira a aussi évoqué une autre faille durant ce lancement des tests rapides. « La plateforme d’enregistrement des cas positifs testés rapidement est devenue fonctionnelle deux semaines après l’annonce de la disponibilité des PCR en officine. Comment voulez-vous qu’on isole ces malades covid-19, s’ils ne sont pas déclarés au ministère de la santé », s’indigne-t-il.

Amira a aussi signalé le manque d’organisation dans la distribution des tests rapides qui se vendent désormais en parapharmacie, ce qui est interdit par l’arrêté publié par le ministère de la santé, portant sur l’autorisation de l’utilisation des tests rapides antigéniques SARS-CoV-2 par les professionnels de la santé et fixant les indications et les conditions de leur réalisation.

Concernant la gestion de la crise sanitaire, Naoufel Amira a souligné qu’il ne faut  pas s’étonner de l’échec des stratégies de prévention puisque l’Etat n’était pas ferme dans l’application des consignes préventives. Le dépistage se fait aussi d’une manière anarchique ce qui impactera également l’étape d’isolement. C’est le résultat de l’absence de coordination entre toutes les parties prenantes de la santé, déplore-t-il.

Le fait que les laboratoires biologiques, les médecins hospitaliers et de libre pratique, ainsi que les 2500 pharmacies dans le pays, ne sont pas impliqués dans la campagne de vaccination, le taux de contamination sera toujours en hausse, déplore-t-il.

En tant que pharmacien d’officine également, à Douar Hicher, Naoufel Amira nous a confirmé que la situation sanitaire dans cette région est également alarmante, d’où la décision d’y décréter un confinement général.

« Sur 10 tests réalisés 8 s’avèrent positifs. L’inconscience, et la nonchalance sont derrière cette prolifération rapide du virus, ainsi que la non application des consignes, comme le port obligatoire du masque, les gestes barrières et la distanciation sociale…Une fois confrontés à la réalité amère causée par leur inconscience, les Tunisiens sont en train de découvrir tardivement l’importance du vaccin…Néanmoins, le gouvernement porte aussi la responsabilité de l’échec de sa stratégie de lutte contre le virus. Notre état actuel en est la meilleure preuve. »

Source : Gnet

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